Du vendredi 11 au lundi 14 juin 2021 : Anticythère, Cythère

Dans le chenal entre la pointe Nord Ouest de la Crête et le Cap Maléa qui marque l’extrémité Sud Est du Péloponnèse, deux pavés, deux îles au nom évocateur : Anticythère (Antikythira) et Cythère (Kythira).



Anticythère veut dire avant ou en face de Cythère. Les deux acceptions sont vraies quand le voyage se fait du Sud vers le Nord. C’est un petit cailloux d’à peine plus de 20 km² où trente personnes résident à l’année.
Cette île ne possède qu’une seule baie, Potamou, à son extrémité Nord, relativement grande, ouverte au Nord c’est à dire à tous les vents dominants de l’été ! Au fond de la baie, un quai au bout duquel accostent les ferries. Deux bateaux, pas plus, peuvent s’amarrer le long de son bord gauche !
Lorsqu’on lit les guides ou les forums, rien ne vous incite à vous y arrêter ! En effet, un de nos prédécesseurs a pu écrire «C’est vraiment le seul endroit que je connaisse, qui soit inconfortable quelque que soit la force ou la direction du vent...sauf par temps absolument calme !»

Le vent est parfaitement calme, les prévisions météo confirment que cela va durer au moins jusqu’au lendemain...le capitaine a bien envie d’y aller voir ! Moi aussi !
Lorsque nous arrivons, le vendredi en fin de matinée, un voilier battant pavillon polonais est amarré au quai, il nous aide à nous amarrer derrière lui.

C’est la mi-journée, il fait chaud, tout semble immobile, désert.

Lorsque le voilier polonais s’en va nous effectuons un savant demi tour au quai. Des grecs en camping-car nous expliquent qu’il nous faut reculer au maximum vers la terre pour laisser sa place au bateau de pêcheur qui a son amarrage là. D’ailleurs le quai est marqué et ses amarres sont à poste !
Nous reculons au maximum et portons une garde à terre pour écarter le safran de Doug Le des blocs de roche qui débordent le quai.

Garde Ă  terre

DSCN0608.JPG, juin 2021

Pour ceux qui seraient tentés par l’expérience, deux recommandations : premièrement, une météo fiable et hyper calme, deuxièmement s’amarrer le nez vers la terre pour être certain d’avoir les profondeurs voulues sous le safran !

Sinon, quelle découverte !

En effet, en fin d’après-midi, le quai, le village et donc toute l’île s’anime !

Les pêcheurs sont rentrés et les habitants viennent acheter leurs poissons.

Nous et les pĂŞcheurs...et c'est tout !

DSCN0601.JPG, juin 2021

Nous pointons notre tĂŞte curieuse et nous nous mĂŞlons aux acheteurs.

Et là, nous rentrons en conversation avec un couple de français, amoureux de l’île, qui y ont acquis une maison où ils vivent la moitié de l’année !
Et voilà que tout prend une couleur particulière. Catherine me raconte ce qu’elle sait de l’histoire de l’île et de ses habitants, Jean-Claude parle tour du monde avec son mari Didier et lui donne rendez-vous pour un Ouzo au Kafénion chez Miros. Nous apprenons que le Kafénion non seulement sert à boire mais aussi à manger et vend quelques denrées.
Le Kafénion, c’est l’équivalent de l’épicerie-bar de nos villages ruraux il y a au moins un demi siècle en arrière.
Ce n’est pas une taverne au bord de l’eau, non, c’est un établissement au cœur du petit village, un peu plus haut sur la colline.
Une terrasse, des tables collectives, les hommes s’y retrouvent et discutent ; à l’intérieur c’est à la fois l’épicerie et la cuisine !
Le patron ne parle que le grec mais il sait déjà que nous sommes des français sur un bateau, de passage, et que nous viendrons manger chez lui ce soir. Il soulève le couvercle de sa marmite dans laquelle mijote un ragoût de chevreau...de ses chèvres à lui bien sûr ! Nous confirmons que c’est bien ça que nous voulons manger et prenons rendez-vous pour 20h30 !

Ragoût de chevreau à la tomate accompagné de frites maison (de vraies pomme-de-terres pelées à la main !) un délice de saveurs et de simplicité !

Catherine et Didier nous rejoignent vers 22h pour l’Ouzo ...une soirée ordinaire sur l’île ?

Pas tout à fait, c’est le soir de l’arrivée du ferry !
Presque tout le monde a quelque chose ou quelqu’un à récupérer ou à expédier !

Un peu avant minuit, le ferry arrive, pas une petite navette, non, un vrai ferry qui, en pleine nuit, fait demi-tour sur son ancre en rasant les falaises de chaque côté et cule à quai pour laisser descendre passagers, voitures, camion, engin de chantier...et embarquer ce qui doit l’être !

Passer une soirée à Potamou c’est retrouver un peu de la vie d’une communauté rurale isolée.
La culture qui va avec s’éteint tout doucement. On ne passe pas impunément de 600 familles à 30 personnes ! Il n’y a plus que trois enfants à l’école du village ! Il y a peu de chance qu’ils décident de vivre sur l’île !
En revanche, peut-être garderont-ils la maison familiale pour y revenir l’été, tous les deux ou trois ans !
Les grecs, qui se sont souvent expatriés loin pour gagner leur vie, sont profondément attachés à leur île, leur village ; ils y reviennent, presque toujours.

Anticythère, une escale hors du temps, en dehors des circuits touristiques ordinaires !
Nous avons beaucoup aimé.

Potamou, l'unique baie d'Anticythère

DSCN0605.JPG, juin 2021

Mais nous sommes des nomades et dès le samedi matin nous poursuivons notre route vers le Nord, vers Cythère.
Île au nom évocateur qui aurait vu naître Aphrodite, la déesse de l’amour, mais bien sûr d’autres îles la revendiquent également !

Cythère a connu une activité commerciale intense, depuis les temps les plus reculés, étape bienvenue pour les navires marchands entre la Méditerranée Occidentale et la Méditerranée Orientale. Si les routes commerciales sont toujours les mêmes aujourd’hui, les supertankers et les porte-conteneurs géants n’ont plus besoin de s’arrêter à Cythère pour faire le plein d’eau ou de vivres, ils passent sans la voir ! En revanche ils sont extrêmement nombreux dans le chenal au Sud de l’île en direction de l’Egypte et plus encore au Nord quand ils remontent vers Athènes ou Constantinople ! Il faut bien les surveiller quand on traverse !

Du coup Cythère est une belle endormie, mais elle recèle plein de coins charmants pour accueillir ou protéger les amours débutantes, les amours clandestines, les vieux amants fidèles...

Mais trêve de romantisme benêt, il nous faut trouver une boulangerie...nous avons encore un peu de pain mais la réserve diminue et les biscottes...c’est pas bon pour notre moral !

Samedi, nous jetons l’ancre dans l’anse Kapsali, sous la forteresse perchée, tout au sud de l’île pour un arrêt déjeuner, puis nous allons dormir devant le port d’Avelomona, contre le vieux fort ! C’est charmant !
Voilà une destination romantique ! Tout est soigné, coquet, de jolis restaurants bordent la falaise qu’on peut longer par un cheminement piéton, des accès à la baignade sont aménagés, c’est adorable !

Le joli village d'Avelomona, prĂŞt Ă  accueillir les amoureux !

DSCN0611.JPG, juin 2021

Le lendemain dimanche nous tentons notre chance Ă  terre. Y aura-t-il un mini-market, une boulangerie ouverte ?
Pour le mini-market, c’est gagné mais...pas de pain, le dimanche le boulanger est en congé !
Je crois que mon capitaine-photographe-cuisinier va être obligé de nous faire sauter quelques crêpes pour le petit déjeuner de demain matin...peut-être que c’est bien d’être à court de pain !

Bon la météo nous annonce un petit coup de vent pour demain : direction Dhiakofti !
Nous connaissons cette baie et nous souvenons que la bordure Sud du quai des ferries accueille les bateaux !

Au passage nous observons le pétrolier échoué sur l’îlot Fidonisi : quand nous étions venus en septembre 2017 il était monté tout en haut de l’îlot et sa coque était encore rouge vif, aujourd’hui, il a commencé à s’effondrer et sa coque est toute rouillée ! Un jour la mer l’aura avalé !

En 2017

DSCN3684.JPG, sept. 2017

En 2021

DSCN0613.JPG, juin 2021

Notre installation au quai de Dhiakofti se passe sans problème, il fait très chaud et le grand nouveau taud de soleil s’impose, de même que la dégustation d’une Mythos sous les tamaris ! Nous sommes seuls, aucune table n’est occupée, mais la cuisine est ouverte et le patron sera trop heureux de nous accueillir ce soir pour le dîner !

DĂ©gustation au bord de l'eau

DSCN0616.JPG, juin 2021

Un petit vent se lève au coucher du soleil, puis se calme pour la nuit; Le Nord Est prévu arrive dans la matinée du lundi.
Nous partons en quête de la boulangerie : elle n’existe plus ! La petite épicerie n’ouvre que l’après-midi, quelques heures par jour de 15h30 à 18h. On peut dire que l’activité n’a pas encore repris !
Le vent souffle et la mer est mauvaise, la houle rentre et rebondit d’une rive à l’autre dans la baie de Dhiakofti. Elle nous fait monter et descendre le long du quai.
J’envoie mon billet crétois, Jean-Claude prépare les câpres cueillies à Anticythère, nous attendons l’ouverture de l’épicerie...mais, lorsque vers 16 heures nos voisins, un voilier français arrivé peu après nous, décident de s’en aller, nous les aidons au déhalage et nous les suivons !

A 18h nous sommes dans le beau mouillage de Frangos au Sud de l’île Elafonisos !
Ça y est ! Nous sommes dans le Péloponnèse !
Le golfe Lakonikos, la péninsule du Magne (Mani), ce sera pour le prochain billet !